Souvenirs de Marnie de Joan G. ROBINSON

Le retour de lecture précédent est ici

Bonjour à tou.te.s 🙂,

 

Mon printemps Miyazakiesque

Le mois dernier, je suis allée au festival du livre de Paris. J’ai apprécié mon escapade, en partie parce que j’adore cet univers, en partie pour le trésor que j’y ai trouvé : « Souvenirs de Marnie » de Joan G. ROBINSON, dont je compte partager mon retour de lecture aujourd’hui. En rentrant, je suis allée chercher sur le net les autres œuvres qui ont inspiré Miyazaki et j’ai passé commande d’un certain nombre d’entre elles. Pour l’instant j’ai lu « Souvenir de Marnie » et « Le château de Hurle ». Autant dire que je pense avoir les mêmes goûts que lui, question lectures.

Couverture du livre

 

L’histoire (sans spoiler)

L’histoire se déroule en Angleterre, contrairement au film des studios Ghibli. Mais à quelques petites différences près, le roman est plutôt bien respecté (pour ce.lle.ux qui ont vu le film).

Anna, une orpheline de 12 ans a perdu ses parents plusieurs années plus tôt. Elle vit chez ses parents adoptifs Madame et Monsieur Preston. Le père s’absente souvent, si bien qu’elle vit surtout avec Nancy, sa mère adoptive, qu’Anna appelle sa tante.

Mais voilà, Anna semble ne plus s’intéresser à rien. L’école, se faire des amis, s’intégrer… rien ! Anna est une pré-adolescente qui a découvert que les Preston percevaient une indemnité mensuelle du fait de son adoption. Elle a donc l’impression que personne ne l’aime.

Donc forcément… elle se mure dans le silence. Ou plutôt affiche son « visage neutre ». Expression qu’elle prend régulièrement tout au long du roman… même si de moins en moins, à mesure que l’histoire avance.

Madame Preston, remarquant l’expression neutre d’Anna, qu’elle qualifiait pour elle-même de « visage de marbre », poussa un soupir et se résigna à aborder les détails pratiques.

Extrait n°1

Inquiète pour sa fille, Madame Preston appelle un médecin qui lui conseille de l’envoyer profiter de l’air marin. Nancy contacte donc Susan et Sam Pegg qui acceptent d’accueillir l’adolescente pendant plusieurs mois. Et c’est là qu’Anna rencontre la fantasque Marnie et que naît une amitié improbable.

 

Un livre sur la quête de l’amour-propre

Quand j’ai vu le film de Miyazaki, j’ai adoré… sans comprendre pourquoi. Les histoires d’amitié ne sont normalement pas ma tasse de thé. J’ai donc mis cet attrait sur le compte du côté magique de Marnie. Et puis j’ai lu le livre et j’ai compris. Honte à moi, parce que le film met également cet aspect en avant, mais le livre est un peu plus explicite.

Il parle de la souffrance d’être soi et de la quête de sa place dans ce monde. L’auteure qui a souffert de ne pas ressentir l’amour parental, sait parfaitement communiquer ce mal-être. Que ce soit les tourments des personnages principaux (Anna et Marnie), comme le résumé que M. Pegg fait à Anna de la venue au monde d’un personnage secondaire : Gossdetro.

« Alors tant mieux, si tu dois traverser avec Gossdetro. Parce que cet homme-là aime pas parler, ah ça non, dit Sam alors qu’il remuait son thé d’un geste lent avec le manche de sa fourchette tout en la regardant, plein d’espoir. Je parie que tu trouves que c’est un drôle de prénom, non ? »

Anna n’y avait pas réfléchi, mais acquiesça pour politesse.

« Ah, je te raconte l’histoire, puisque t’insistes ! La mère a Gossdetro – la vieille West –, elle en avait déjà dix quand il est né. « Comment tu vas l’appeler ? » Ils lui ont tous demandé ça, alors la pauvre, elle a répondu : « Pas la moindre idée ! Ce qui est certain, c’est que c’est le gosse de trop. » Et c’est resté ! s’esclaffa Sam en postillonnant dans son thé. Et depuis on l’appelle Gossdetro. »

Extrait n°2

Si après cet extrait vous vous étonnez que Gossdetro soit un personnage solitaire qui ne parle quasiment jamais… soyez heureu.x.se !

Bref ! Quand Anna arrive chez les Pegg c’est une adolescente qui se déteste et qui pense ne mériter l’amour de personne… bien qu’elle rêve d’être accepter par quelqu’un. Toute l’histoire tourne autour de ce profond mal-être. Aussi, elle n’ose tenter de créer aucun lien (avec personne), de peur d’être rejetée. N’oublions pas que c’est une orpheline (donc ses parents l’ont abandonnée en mourant) qui a été adoptée par un couple qui perçoit une allocation (donc sa présence seule ne suffit pas, il faut être payer pour l’accepter dans sa vie).

Si elle apprenait réellement à les connaître, et inversement, tout serait gâché. Ils se comporteraient comme les autres – de façon amicale, mais à moitié seulement. Bien au chaud dedans, ils regarderaient avec curiosité cette fille restée dehors – et s’attendraient à ce qu’elle aime ce qu’ils aimaient, à ce qu’elle possède de qu’ils possédaient, à ce qu’elle fasse ce qu’ils faisaient. Et en découvrant qu’elle n’aimait pas, ne possédait pas, ne faisait pas comme eux – ou n’importe quelle raison qui finissait inéluctablement par séparer Anna des autres –, ils perdraient tout intérêt pour elle. Il aurait encore mieux valu qu’ils la détestent. Or, ça n’arrivait jamais. Les gens perdaient juste poliment l’intérêt qu’ils vous portaient. Ainsi, c’était à Anna de les détester. Sans se mettre en colère, mais froidement – il suffisait d’avoir l’air tout le temps neutre.

Extrait n°3

Jusqu’à ce qu’elle voie une jeune fille blonde de son âge, à travers la fenêtre d’une sublime maison au bord de la crique, se faire brosser les cheveux. Elle s’imagine beaucoup de choses sur elle, avant de la rencontrer. Avant de rencontrer Marnie.

C’était bête, pensa Anna au réveil. Parce que sa réalité la rendait malheureuse, elle avait cherché à la remplacer par ce qui n’était rien d’autre que le fruit de son imagination. Et ce genre de choses ne fonctionnaient jamais.

Extrait n°4

Le jour de sa rencontre avec Marnie, Anna découvre une barque à l’endroit où elle se rend habituellement pour passer le temps. Comme si elle l’attendait.

Elle monte dedans et se rend à la maison de la crique. Marnie l’y accueille et débute une amitié secrète où chacune des deux filles décide de profiter de l’instant présent avec son amie, sans vraiment savoir si l’autre est bien réelle. Mais Anna ne peut se rendre à la maison de Marnie qu’en soirée, à marée montante. Et un jour ce moment propice arrive après le coucher. Même si tout se passe à merveille, à son retour, Anna décide de flâner encore un peu dehors et s’endort… dehors. Elle est ramassée par des voisins des Pegg, qui la ramènent.

Au cottage, personne n’avait reparlé de son escapade nocturne, ni du fait que les Beales avaient dû la ramener. Toute la journée et le lendemain, Anna se fit discrète, s’armant de courage pour affronter des reproches et des réprimandes qui ne vinrent jamais. Petit à petit, elle crut en trouver la raison. Madame Pegg avait enfin compris que ça ne valait pas la peine de se faire du souci pour elle. Et c’était sa manière de le prouver : en ne disant rien. Elle en avait assez d’Anna. Elle s’était efforcée d’être gentille et ça n’avait servi à rien. Désormais, elle la « laissait se débrouiller ».

C’était faux, mais Anna ne pouvait pas le savoir. […]

Alors Anna se fit encore plus discrète, trouva encore moins à dire et resta encore plus longtemps dehors. Jamais jusque-là, elle n’avait à ce point « pas dérangé du tout ».

Extrait n°5

Petite parenthèse : voilà à quoi sert la c.o.m.m.u.n.i.c.a.t.i.o.n !!!!! 🤬

 

Une amitié sans faille, jusqu’à ce que…

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (je me trompe de livre ? Peut-être 😇) entre Anna et Marnie. Même quand une pimbêche et ses copines traitent Anna de demeurée parce qu’elles la voient courir en riant toute seule en pleine journée, elle ne s’en préoccupe pas. Anna a Marnie quand la marée monte.

Une amitié sans faille lui offrant un bonheur parfait, jusqu’à ce que…

Marnie et Anna se confient l’une à l’autre durant cet été. Marnie lui explique, entre autres, sa phobie du moulin abandonné. Son ami d’enfance, Edward, voudrait que celle-ci affronte ses peurs… mais elle est terrorisée.

Les deux adolescentes se retrouvent donc tout en haut du moulin (sans s’être concertées avant), mais Marnie est trop effrayée pour descendre. Anna et elle finissent par s’endormir (toutes deux terrifiées). Quand Anna se réveille, Marnie est partie sans elle. Anna se sent trahie !

Après le départ de Madame Pegg, Anna se laissa envahir par les détails des évènements de la veille. Aussi lourd qu’un poids, le souvenir de ce que Marnie avait fait lui tomba dessus. Elle en fut écœurée. Marnie l’avait abandonnée là-bas. Seule et terrifiée dans le noir. Et Anna qui croyait être sa meilleure amie !

Au début, elle pensa qu’Edward – ou la personne qui avait sauvé Marnie – l’avait laissée exprès. Puis elle se revit assise contre le mur, et comprit qu’il n’avait pas dû remarquer sa présence. Personne ne se serait attendu à la voir là. Seulement, comment Marnie avait-elle pu partir sans rien dire ? Anna ne le lui pardonnerait jamais. Et elle ne ferait plus jamais confiance à personne.

[…]

Elle voulait que Marnie regarde depuis sa fenêtre et la voie marcher sur la grève, et qu’elle se rappelle combien elle s’était montrée cruelle et méchante. Si elles se croisaient, Anna ne daignerait même pas lui jeter un regard. Mais Marnie n’avait pas le droit de l’oublier. On ne peut pas faire une chose pareille à quelqu’un et ensuite oublier, se dit-elle.

Extraitn°6

Attention spoiler : elle va le lui pardonner.

Petite parenthèse : Ce passage me touche tout particulièrement, parce qu’il y a un peu plus d’un an, je me suis sentie trahie par une personne que je considérais comme une amie. Pourtant à plusieurs reprises, son comportement m’a énormément blessée. Au point de décider de ne plus offrir ma confiance à personne. Ce fut une réaction de courte durée et j’ai relativisé la situation. Mais lorsque j’ai lu ce passage, une petite larme a voulu rouler sur joue.

Bien sûre, plus jeune, j’avais moi aussi ce besoin de vengeance. Seulement j’ai réalisé que blesser une personne en retour de sa malveillance est destructeur (pour chaque partie), parce que très souvent la personne en question n’est pas consciente (que ce soit de bonne ou de mauvaise foi) de vous avoir fait du mal. Du coup, elle se sent blessée à son tour et commence une guerre qui pourrait être évitée.

 

Entrent alors d’autres personnages dans le roman, qui mènent à découvrir les secrets de Marnie et d’Anna. Mais si je développais plus… je spoilerais.

 

Ma conclusion :

J’ai eu un peu de difficultés à supporter le personnage d’Anna au début. Une adolescente mal dans sa peau… ça faisait trop écho à ce que j’ai connu au même âge. À part ça, j’ai dévoré ce livre et je le relirai.

Je recommande ce roman à toute personne aimant rêver et comprendre la souffrance de ceux qui se détestent.

 

Bonne semaine et bonne.s lecture.s (écoute.s) 😘

Laissez un commentaire